Le jeudi 4 décembre 2025, The Dot s’est transformé en carrefour d’idées, de visions et d’opportunités à l’international. À l’occasion de la 4ᵉ édition du Qawafel Gathering, organisée en collaboration avec Mazam, les principaux acteurs de l’écosystème tunisien — entreprises, institutions financières, structures d’accompagnement, experts et médias — se sont réunis autour d’un enjeu majeur : le rôle déterminant des acteurs financiers dans l’expansion des entreprises tunisiennes vers le continent africain.
Plus qu’un simple rendez-vous, cette rencontre s’est imposée comme un espace de dialogue stratégique, où financement, accompagnement et retour d’expérience terrain ont été au cœur des débats.
Un panel de haut niveau au cœur des enjeux du financement
Modérée avec professionnalisme par Raouia Kheder, cette édition cette édition a donné la parole à des intervenants de premier plan, représentant différentes facettes du financement et de l’accompagnement à l’international :
- Karim Bououni, Directeur Général – CDC Gestion
- Aymen Mbarek, Managing Partner – GoBig Partners
- Chiraz Arfaoui, Directrice adjointe – Wiki Startup
- Manar Labidi, CFO – Cynoia
Les échanges ont permis d’aborder, de manière concrète, les mécanismes de financement existants, leurs limites, ainsi que les nouvelles opportunités offertes aux startups et PME tunisiennes désireuses de se déployer sur les marchés africains.
CDC Gestion : structurer le financement de l’internationalisation
Intervenant au nom de CDC Gestion, Karim Bououni a dressé un panorama détaillé des mécanismes financiers mis en place par la Caisse des Dépôts et Consignations, parmi lesquels :
- Le Fonds CDC pour les jeunes (18–40 ans), avec des tickets allant de 100 000 TND à 10 millions TND :
- Des compartiments dédiés aux projets verts, dont 100 millions TND orientés vers l’export :
- Un programme d’accompagnement de 50 millions TND au profit des PME ;
- Un compte garanti de 60 millions TND, visant à faciliter l’accès au financement bancaire.
Il a également mis en lumière les contraintes réglementaires, notamment l’obligation de financer sur le territoire tunisien, qui peuvent freiner l’internationalisation des entreprises. Pour y répondre, la CDC a développé des solutions innovantes, telles que des fonds bilatéraux, à l’image du fonds tuniso-français mis en place avec Bpifrance.
Ce dispositif a déjà permis de financer 14 PME tunisiennes, générant des impacts tangibles en matière de création de marchés et d’emplois. Des démarches similaires sont en cours avec l’Italie, certains pays du Golfe, ainsi qu’un projet de fonds tuniso-libyen, sans oublier les conventions signées avec une dizaine de CDC africaines.
GoBig Partners : penser global dès la genèse du projet
Pour Aymen Mbarek, Managing Partner chez GoBig Partners, l’internationalisation ne doit pas être une étape tardive, mais une vision intégrée dès les premières phases du projet. Le fonds investit à travers des tickets mixtes, composés de 75 % en euros et 25 % en dinars, un modèle qui favorise l’ancrage local tout en facilitant l’accès aux marchés internationaux.
Il a insisté sur plusieurs fondamentaux :
- Répondre à un besoin global, et non uniquement local ;
- Se spécialiser, notamment dans des secteurs où la Tunisie dispose d’un avantage compétitif (industrie, software) ;
- Éviter la dispersion et approfondir un même marché pour bâtir des success stories durables.
Wiki Startup : l’internationalisation comme processus long et structuré
De son côté, Chiraz Arfaoui, Directrice adjointe de Wiki Startup, a présenté Afri’Act, programme d’accompagnement à l’internationalisation actuellement dans sa troisième cohorte. Elle a rappelé une réalité souvent sous-estimée : l’internationalisation ne résout pas automatiquement les difficultés rencontrées sur le marché local.
Les entreprises doivent d’abord consolider leurs fondamentaux en Tunisie avant de se projeter à l’étranger. L’expansion internationale est un processus itératif, fait d’allers-retours constants, qui exige une compréhension fine :
- Du marché cible ;
- De la culture locale ;
- Du comportement des clients.
Les PME les plus performantes ont généralement commencé par des partenariats commerciaux locaux, avant d’envisager une implantation plus structurée.
Cynoia : retour d’expérience terrain en Afrique de l’Ouest
Apportant un éclairage résolument opérationnel, Manar Labidi, CFO de Cynoia, a partagé un retour d’expérience concret marqué par l’ouverture d’une filiale au Sénégal. Après une première étude en Côte d’Ivoire, l’entreprise a finalement opté pour le Sénégal, en raison de sa proximité culturelle et géographique.
Elle a mis en avant plusieurs enseignements clés :
- La nécessité d’une présence physique sur le marché ;
- L’importance de s’appuyer sur des partenaires locaux solides, plutôt que d’opérer à distance ;
- Les défis liés aux paiements et à la sécurisation des contrats.
Focus pratique : financement et stratégie d’internationalisation
Les échanges ont également permis de dégager plusieurs recommandations transversales :
- Pour les entreprises de services, coupler l’activité à un produit afin de faciliter le financement ;
- Ne pas partir seul, mais s’entourer de partenaires locaux fiables ;
- Adapter sa stratégie aux réalités culturelles, sans en faire le seul critère de décision ;
- Explorer les financements existants, tout en combinant accompagnement stratégique et financier.
Une infographie pour clarifier les mécanismes de financement
Lors de l’événement, Salah Boulila a présenté une nouvelle infographie détaillant les mécanismes de financement de l’export en Tunisie, structurés selon les différentes phases de l’internationalisation :
- Préparation / Amorçage
- Lancement / Exportation (sporadique ou régulière)
- Implantation / Croissance
- Expansion
Cette ressource identifie, pour chaque phase, les besoins de financement ainsi que les acteurs mobilisables. Les membres de l’écosystème sont invités à contribuer à son enrichissement en contactant l’équipe Qawafel via ses canaux de communication.
Une success story inspirante : Exscape
La rencontre s’est conclue par une interview inspirante de Zaghbib Med Amine, Head of Operations Africa chez Exscape, qui a retracé le parcours de l’entreprise dans sa levée de fonds et son expansion sur le continent africain.
Il a mis en lumière plusieurs leviers de réussite :
- S’appuyer sur les success stories tunisiennes déjà implantées en Afrique
- Démarrer avec un financement propre, avant de solliciter des investisseurs
- Présenter une ligne directrice claire et un retour sur investissement lisible
- Combiner financements classiques et business angels
Exscape a ainsi bâti son modèle autour de solutions de paiement innovantes, adaptées aux réalités locales, tout en anticipant les défis à moyen et long terme.
Un rendez-vous incontournable pour l’écosystème tunisien
La 4ᵉ édition du Qawafel Gathering a démontré que l’internationalisation ne se réduit pas à la simple exportation, mais qu’elle repose sur une orchestration complexe entre financement, expertise locale et vision stratégique. Les échanges ont offert aux participants une lecture concrète des opportunités et des bonnes pratiques pour conquérir le marché africain et au-delà.
Pour l’écosystème tunisien, Qawafel Gathering reste un laboratoire d’idées, de partenariats et de succès, où le financement devient un véritable levier d’expansion.
Publié le 15 décembre 2025, par Aya OUERTANI