Un marché africain en pleine demande de services
L’Afrique subsaharienne s’impose de plus en plus comme un territoire d’opportunités pour les entreprises tunisiennes, notamment dans le domaine des services.
Digitalisation, conseil en stratégie, ingénierie, formation professionnelle ou encore accompagnement à la transformation organisationnelle : les besoins sont immenses, et les États africains y consacrent des budgets croissants, parfois même soutenus par des bailleurs internationaux.
Dans ce contexte, les entreprises tunisiennes ont toute légitimité à se positionner. Pourtant, la réalité du terrain montre que l’exportation des services reste un chantier inachevé, freiné par des obstacles aussi bien structurels que culturels.
La limite du modèle à distance
Beaucoup d’acteurs tunisiens tentent de développer leur activité à distance, depuis Tunis, en imaginant pouvoir vendre un service à un client africain comme on vend un logiciel en ligne.
Or, cette approche atteint rapidement ses limites. Le client africain attend une présence physique, un échange humain, une disponibilité sur place. Il souhaite rencontrer son prestataire, pouvoir le mobiliser rapidement, sentir qu’il est proche, impliqué, et non simplement connecté.
L’idée même de construire une relation de confiance sans contact régulier en présentiel relève souvent de l’utopie.
Réalités monétaires et barrières administratives
Au-delà de l’aspect culturel, les réalités administratives et monétaires rendent ce modèle à distance peu viable. La majorité des clients en Afrique subsaharienne, qu’ils soient publics ou privés, souhaitent être facturés en monnaie locale – généralement le franc CFA – selon un calendrier qui suit la logique des décaissements internes.
Un prestataire basé à l’étranger, sans entité locale ni compte en FCFA, se trouve dans l’impossibilité de répondre à ces exigences, voire de signer un contrat.
De plus, les entreprises tunisiennes opérant depuis leur siège national se voient exclues des appels d’offres restreints, des marchés publics nationaux, et des dispositifs de financement ou de subvention souvent réservés aux entités locales. Cela concerne notamment les prestations de formation ou de conseil, qui sont parfois cofinancées par des structures étatiques ou régionales.
L’ancrage local comme condition de réussite
La question n’est donc plus seulement de vouloir exporter un service, mais de réfléchir aux modalités concrètes pour le faire.
Dans ce contexte, plusieurs entreprises tunisiennes ont réussi à franchir ce cap en s’ancrant sur le terrain : ouverture d’un bureau de représentation, création d’une filiale, recrutement d’un représentant local, ou encore établissement de partenariats structurés avec des acteurs implantés.
Ces démarches permettent non seulement d’assurer une meilleure réactivité, mais aussi de rassurer les clients, d’accéder aux marchés locaux et de sécuriser la chaîne contractuelle et financière.
Des approches hybrides possibles
Dans certains cas, des dispositifs hybrides sont envisageables. Une entreprise peut conserver son socle opérationnel en Tunisie tout en organisant des missions régulières sur le terrain, appuyées par un agent ou un collaborateur local.
Cette présence, même légère, change profondément la perception du client et la capacité d’exécution des projets. Elle permet également de mieux comprendre les dynamiques locales, d’ajuster l’offre, et de construire un réseau d’influence indispensable pour naviguer dans les écosystèmes africains.
Exporter un service, c’est d’abord s’implanter
Ceux qui réussissent dans l’exportation de services vers l’Afrique sont ceux qui ont compris qu’il ne s’agit pas de vendre depuis l’extérieur, mais de s’implanter, même modestement.
C’est en étant là, en parlant la langue du terrain, en acceptant ses temporalités et ses contraintes, que l’on construit une activité durable. L’Afrique est prête à accueillir l’expertise tunisienne. Encore faut-il que cette dernière ose franchir le seuil.
Publié le 6 octobre par Moez Ammar, Conseiller en exportation agréé par le MCDE