Le Qawafel Gathering : réflexions et recommandations de la première édition

Jadis réservée aux plus grands groupes, l’expansion vers le marché africain est aujourd’hui une ambition réaliste et prometteuse pour de nombreuses PMEs tunisiennes en quête de diversification de leurs activités.  Ce continent dynamique, en pleine expansion économique, offre des opportunités d’affaires considérables aux entreprises tunisiennes qui souhaitent se développer au-delà de leurs frontières nationales. La première édition du QG, un événement tenu le 27 juin 2024 sous le thème « Les opportunités que présente le continent africain en tant que terrain d’expansion pour les entreprises tunisiennes », a mis en lumière le potentiel immense du continent africain pour les entreprises tunisiennes.

Un changement de paradigme : Le continent africain au cœur de la stratégie d’internationalisation de la Tunisie

Lors de son intervention, M. Fakri Bouzayen, représentant du Ministère du commerce et du développement des exportations et membre du comité national ZLECAf[1], a révélé que la stratégie d’internationalisation de la Tunisie était historiquement tournée vers le marché européen, un choix qu’il justifie par la relative simplicité des cadres multilatéraux par rapport aux accords bilatéraux. Il a mis en exergue que le principal défi en Afrique réside dans l’insuffisance des infrastructures et le manque criant d’informations sur les besoins des pays en développement. Cependant, depuis 2019, la Tunisie réoriente ses efforts vers l’Afrique, notamment avec l’entrée en vigueur de l’accord COMESA[2]. M. Bouzayen a également souligné l’importance de considérer le marché africain non seulement comme une opportunité économique, mais surtout comme un espace de coopération mutuellement bénéfique. Il a insisté sur la nécessité de prendre en compte à la fois les réglementations locales et internationales lors de l’expansion vers de nouveaux marchés, en particulier dans des secteurs sensibles comme la santé, où le respect des normes internationales est obligatoire.

Le potentiel de la Fintech en Afrique et les défis de son expansion internationale

Mme Hana Maalej, Fund Officer à Cathay Africinvest Innovation Fund, a mis en lumière le secteur florissant de la fintech sur le continent, tout en pointant du doigt les obstacles à son expansion internationale, notamment l’ouverture des flux et une réglementation complexe. Elle a souligné l’importance de l’audace et de la détermination pour surmonter ces défis. Elle a également souligné le rôle clé du Cathay Africinvest Innovation Fund, un fonds de capital-risque panafricain créé en partenariat avec AfricInvest, visant à connecter le continent aux principaux écosystèmes mondiaux d’innovation. Elle a expliqué que ce fonds a soutenu plusieurs entreprises dans leur expansion vers l’Afrique, dont la startup tunisienne GOMYCODE spécialisée dans l’éducation technologique. Celle-ci a réussi à établir un réseau solide et une présence locale dans plusieurs pays du continent. Par ailleurs, Mme Maalej a insisté sur l’importance de développer des solutions adaptées plutôt que d’imposer des modèles préexistants lorsqu’on explore le marché africain.

Collaboration stratégique : Chercher des synergies avec d’autres entreprises

M. Imed El Abed, président de GET’IT, a souligné la philosophie de collaboration au sein de Get’IT, où l’équation « un plus un égal trois » illustre la capacité à générer des résultats accrus grâce à la collaboration. Pour lui, l’union des forces lors du développement international ne se résume pas à une simple addition, mais à la création de synergies qui dépassent les capacités individuelles. Il a souligné l’importance cruciale de ne pas opérer seul dans des marchés complexes comme la République Démocratique du Congo (RDC) et le Kenya, insistant sur la valeur ajoutée d’un accompagnement stratégique adapté aux contextes locaux. M. El Abed a également recommandé de se focaliser sur les grands projets nationaux dans les économies développées, en mettant en avant des références solides pour répondre aux exigences de projets complexes. En revanche, dans des économies moins développées, il a encouragé à adopter des solutions innovantes et flexibles, profitant souvent d’un environnement moins concurrentiel pour introduire des innovations adaptées aux besoins spécifiques de ces marchés.

La ZLECAf : Cadre pour l’expansion et les opportunités

Fakri Bouzayen a souligné l’importance capitale de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), notamment pour les entreprises tunisiennes. Il a mis en avant plusieurs aspects clés de cet accord :

  • Le commerce des biens : La ZLECAf établit un manuel des règles d’origine pour clarifier les conditions permettant de bénéficier des avantages tarifaires, avec une élimination totale des droits de douane prévue à partir de 2026.
  • Le commerce des services : La ZLECAf facilite l’harmonisation des certifications et des normes entre les pays participants. Cela simplifie le processus de fourniture de services transfrontaliers en éliminant les obstacles liés à la reconnaissance mutuelle des qualifications et des certifications professionnelles.
  • L’investissement : Encourageant un environnement d’affaires plus prévisible et stable, la ZLECAf établit des règles claires et un mécanisme de règlement des litiges pour stimuler l’investissement.
  • Les droits de propriété intellectuelles : Incluant des annexes pour protéger la propriété intellectuelle, la ZLECAf renforce également la sécurité juridique pour les innovations et les créations.
  • La politique de concurrence : La ZLECAf prévoit des accords visant à empêcher la domination monopolistique des marchés, favorisant ainsi un environnement concurrentiel équitable.

Bouzayen a également souligné les accords spécifiques de la ZLECAf en faveur du soutien aux PME, aux femmes et aux jeunes entrepreneurs, pilier essentiel du développement économique et commercial en Tunisie.

Accompagnement des entrepreneurs en Afrique : un levier crucial pour la réussite

Imed El Abed a souligné l’importance capitale de l’accompagnement pour les entrepreneurs désireux de conquérir le marché africain. Il a plaidé pour une mise en place efficiente de cet accompagnement à travers des structures comme GET’IT, un groupement d’intérêt économique des entreprises de l’information et des technologies, qui favorisent la collaboration inter-entreprises et la maximisation des opportunités commerciales. M. El Abed a également mis en lumière le rôle crucial des plateformes en ligne, telles que l’Observatoire Africain du Commerce (ATO), qui fournissent aux entrepreneurs des données commerciales précises et actualisées sur l’ensemble du continent. Ces données permettent aux porteurs de projets de prendre des décisions éclairées et stratégiques, en adaptant leurs offres et leurs approches aux réalités du marché et aux réglementations en vigueur.

Les chambres de commerce et d’industrie : des acteurs clés du soutien aux entrepreneurs

Les débats ont également mis en exergue l’importance des dispositifs d’accompagnement mis en place par les chambres de commerce et d’industrie. Ces dispositifs visent à fournir aux entrepreneurs un soutien essentiel, comprenant des conseils stratégiques, des formations adaptées aux spécificités du marché africain et une simplification des procédures administratives et commerciales.

Les initiatives du CEPEX pour accompagner les entrepreneurs tunisiens

Fakri Bouzayen a quant à lui souligné l’importance des ateliers organisés par le CEPEX dans 24 régions tunisiennes, ciblant notamment les patronats, l’UTICA et la CONECT. Ces ateliers, axés sur des thématiques spécifiques à chaque secteur, visent à mieux orienter les entrepreneurs et à répondre à leurs besoins particuliers. M. Bouzayen a également mis en avant l’existence du site web e-CEPEX, accessible à toutes les parties prenantes, pour faciliter l’accès à l’information et aux services fournis par le CEPEX.

Les clés de l’éligibilité aux subventions pour les startups : Innovation, modèle économique et soutien stratégique

Les discussions ont révélé plusieurs facteurs déterminants pour accroître l’éligibilité d’une startup à obtenir des subventions. Tout d’abord, il est essentiel que son produit ou sa solution réponde de manière efficace aux besoins du marché cible et se démarque par son caractère innovant, assurant ainsi sa capacité à croître de manière durable. Ensuite, le modèle économique de la startup doit avoir démontré sa pertinence et son efficacité sur le marché local ainsi que sur les marchés potentiels, renforçant ainsi sa crédibilité et sa préparation à une expansion réussie. De plus, la présence d’investisseurs qualifiés constitue un avantage significatif, apportant non seulement des fonds mais aussi un soutien stratégique crucial en matière de développement, d’exportation, d’investissement et même de recrutement.

Parmi les points discutés figure l’importance des subventions spécifiques, telles que celles couvrant une partie des coûts de transport ou d’assurance pour les exportations, qui sont essentielles pour soutenir la croissance et l’internationalisation de la startup.

Tunisie et continent africain, un avenir partagé

La première édition du Qawafel Gathering a été un succès retentissant. Les recommandations issues de cet événement éclairent la voie pour les entreprises tunisiennes désireuses de s’implanter sur le continent africain. Collaboration, accompagnement, accès à l’information et au financement se révèlent être les piliers indispensables pour réussir sur ce continent prometteur.

Publié le 5 Août 2024, par Aya Ouertani

[1] Zone de Libre Echange Continentale Africaine

[2] Common Market for Eastern and Southern Africa

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