Retour sur le side event de Qawafel et FAST lors de la 7ème conférence FITA 2024

La 7ème édition de la Conférence « Financing Investment and Trade in Africa », FITA 2024 a été le théâtre d’un side event captivant orchestré par les projets Qawafel et FAST, mettant en lumière les défis et les opportunités de l’internationalisation des PME et startups tunisiennes sur le continent africain. Modéré par Mazen Al Kassem, expert international et chef du projet Qawafel, cette session a réuni un panel d’experts et d’entrepreneurs pour discuter du thème central : « L’accompagnement de l’internationalisation des PME et startups tunisiennes à l’échelle du continent africain – enjeux et perspectives ».

Les intervenants de ce panel comprenaient :

  • Enis Rouissi, Partenaire Associé, Deloitte Francophone Africa
  • Mohamed Ali Salmi, CEO Kaco
  • Bachir Benbrika, CEO Smart Farm
  • Chiraz Arfaoui, Deputy General Manager, Wiki Start Up
  • Fabrice Lelouvier, Directeur international, CCI Pays de la Loire
  • Sahbi Arfaoui, Chargé de projets / Responsable Environnemental et social à la Caisse des Dépôts et Consignations.


L’Afrique comme destination stratégique pour les entreprises tunisiennes

Enis Rouissi a ouvert le débat en soulignant que l’Afrique n’est plus simplement une option parmi d’autres pour les entreprises tunisiennes cherchant à s’internationaliser, mais une destination incontournable. Selon lui, le continent offre une multitude d’opportunités uniques, ce qui en fait un choix stratégique essentiel pour toute entreprise visant un développement durable. Il a expliqué que l’Afrique est l’un des marchés les plus compétitifs au monde, avec 54 pays ayant chacun leurs propres cultures, cadres réglementaires et systèmes juridiques. Cette diversité requiert des entreprises une adaptation à une multitude de contextes locaux. De plus, la diversité linguistique complique encore la communication et la gestion des opérations. M. Rouissi a également souligné que la compréhension du marché africain est entravée par un manque de données fiables, souvent limitées aux grandes villes, ce qui complique les stratégies d’entrée et d’expansion des entreprises. De plus, il a mis en lumière l’absence d’un réseau de transport structuré entre la Tunisie et plusieurs pays du continent, constituant un obstacle majeur aux échanges commerciaux. À cela s’ajoutent des droits de douane élevés, qui compliquent davantage les échanges.

Les défis de l’internationalisation : Retour d’expérience de Smart Farm et Kaco

Bachir Benbrika, CEO de Smart Farm, une entreprise tunisienne spécialisée dans les solutions IoT pour optimiser les ressources dans l’industrie, l’agriculture et l’énergie, a partagé son expérience et les défis rencontrés lors de l’internationalisation de son entreprise. Il a mis en lumière la complexité des procédures d’exportation des solutions hardware et l’importance cruciale d’obtenir des certifications conformes aux normes internationales pour faciliter ce processus. En plus des obstacles techniques, M. Benbrika a également souligné les défis culturels et les exigences réglementaires spécifiques à chaque marché. Pour surmonter ces obstacles, il a insisté sur l’importance d’adapter les stratégies en fonction des particularités locales de chaque territoire. Cette adaptation est essentielle pour répondre aux attentes des consommateurs et aux exigences réglementaires, permettant ainsi une expansion réussie sur les marchés internationaux.

Mohamed Ali Salmi, CEO de Kaco, a également pris la parole pour partager son expérience sur le marché des scooters électriques. Il a expliqué que Kaco a récemment commencé la commercialisation de ses scooters électriques, et qu’ils ont réussi à établir leur présence en Tunisie et en Algérie. Il a souligné que certains pays, comme l’Algérie, posent des barrières importantes à l’entrée. Il a précisé que, d’après son expérience, pour réussir en Algérie, il est pratiquement indispensable d’avoir un partenaire algérien. Cela permet non seulement de faciliter les procédures d’exportation mais aussi d’obtenir le label algérien. En plus de ces défis, M. Salmi a souligné que les institutions financières locales en Tunisie, notamment les banques, ne répondent souvent pas aux demandes de financement des entreprises innovantes, ce qui freine leur développement. Cette situation constitue un obstacle majeur pour les start-ups et les entreprises technologiques en Tunisie, limitant leur potentiel de croissance et leur capacité à innover.

Les secteurs prioritaires pour l’internationalisation sur le continent africain

M . Enis Rouissi a souligné lors de son intervention que sur le continent africain, tous les secteurs d’activité présentent des opportunités significatives, à condition d’être bien préparé. Il a mis en avant l’importance cruciale pour les entreprises de comprendre profondément le marché local, les besoins spécifiques ainsi que les attentes des consommateurs afin d’apporter une réelle valeur ajoutée. Dans cette perspective, pour les entreprises tunisiennes souhaitant s’internationaliser en Afrique, M. Rouissi a identifié cinq secteurs prioritaires. Tout d’abord, le secteur de l’éducation représente une opportunité stratégique non seulement pour exporter des services éducatifs, mais également pour accueillir des étudiants africains en Tunisie. Cela favorise un échange culturel enrichissant et renforce les liens bilatéraux, positionnant ainsi la Tunisie comme un hub éducatif régional. Deuxièmement, le domaine de la santé et de la pharmacie revêt une importance particulière en raison de l’expertise médicale reconnue en Tunisie et du nombre substantiel de professionnels de la santé africains formés dans le pays. Cette dynamique offre des perspectives significatives pour étendre les services de santé et les produits pharmaceutiques de qualité à travers le continent. Troisièmement, le secteur du BTP bénéficie de la réputation de la Tunisie en matière de conception, d’étude et de gestion de projets de construction. Cette expertise constitue un avantage compétitif pour pénétrer les marchés africains en pleine expansion, où les besoins en infrastructures sont en constante augmentation. Par ailleurs, le secteur agroalimentaire tire parti des ressources agricoles abondantes de la Tunisie pour répondre à la demande croissante de produits alimentaires de qualité en Afrique. Cela représente une opportunité stratégique pour la croissance économique durable à travers le continent. Enfin, le secteur du numérique représente une voie prometteuse pour les entreprises tunisiennes, en capitalisant sur l’innovation technologique et l’accès croissant à internet sur le continent. Ce secteur offre des possibilités d’expansion rapide et de création de valeur dans des domaines tels que les services numériques, les solutions logicielles et la transformation digitale des entreprises africaines.

Le choix stratégique du marché cible : Cas de Kaco et Smart Farm

Concernant le choix du marché, la question a été posée à M. Mohamed Ali Salmi, CEO de Kacoa, qui a souligné que leur stratégie était de se concentrer sur l’exportation de leurs produits en ciblant les pays africains. Il a expliqué que le marché en Afrique est encore largement inexploité comparé au marché européen, ce qui présente une opportunité significative pour leur entreprise.  De son côté, M. Bachir Benbrika a précisé que le choix des marchés cibles pour Smart Farm s’était fait en suivant les conseils de structures d’accompagnement spécialisées.

Le rôle essentiel des structures d’accompagnement

Mme. Chiraz Arfaoui a souligné que Wiki Start UP avait précédemment lancé un questionnaire pour identifier les obstacles majeurs rencontrés par les startups tunisiennes dans leur quête de développement. Parmi les obstacles majeurs révélés, la dimension restreinte du marché national se présente comme un frein significatif à leur expansion. Face à ce constat, Wiki Start UP a développé un programme d’accompagnement structuré pour guider les startups dans leur démarche d’internationalisation, avec un focus particulier sur l’Afrique. Ce programme débute par des sessions d’information dédiées aux entreprises désireuses de s’implanter sur le continent africain. De plus, Mme. Arfaoui a noté que Wiki Start UP mobilise des experts pour réaliser des études approfondies afin d’accompagner les entreprises dans leur exploration des marchés africains. Selon elle, cette phase préparatoire est cruciale pour une entrée réussie sur le marché ciblé. Mme Arfaoui a souligné aussi l’importance de développer des partenariats solides dans les pays cibles, facilitant ainsi l’accès au marché et offrant une compréhension approfondie des réalités locales. En outre, Mme. Arfaoui a mentionné que Wiki Start UP organise des rencontres BtoB visant à mettre en relation les startups tunisiennes avec des acteurs clés des marchés africains, favorisant ainsi la prospection de clients et le développement de partenariats commerciaux. Elle a également souligné que Wiki Start UP finance la participation des entreprises à ces événements internationaux, ce qui leur permet de se démarquer et de tisser des liens précieux.

Fabrice Lelouvier, Directeur de l’international à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) des Pays de la Loire, a souligné que leur organisation dispose d’un réseau mondial de 1000 experts français dédiés à accompagner les entreprises dans le développement durable de leurs projets, en offrant des conseils et des solutions de financement. Ils ont identifié quatre axes prioritaires sur lesquels ils concentrent leurs efforts : la sensibilisation, la préparation, la prospection et l’accélération du développement international.

Support financier et institutionnel

Sahbi Arfaoui, chargé de projets et Responsable Environnemental et Social à la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), a mis en avant le rôle crucial de la CDC dans le soutien aux PME et aux startups, en contribuant à leur financement à travers des fonds d’investissement gérés et des lignes de crédit mobilisées spécifiquement à cet effet. La CDC a également initié des projets visant à stimuler l’écosystème entrepreneurial tunisien, tels que le programme FAST, un projet financé par l’AFD, mis en œuvre par la CDC avec l’appui technique d’Expertise France, une évolution du programme EnLien. Ce projet selon M. Sahbi repose sur trois composantes clés :

  • Programmes d’accélération : Ces programmes offrent un soutien intensif et personnalisé aux startups et aux TPE, les aidant à développer rapidement leurs activités, à optimiser leurs modèles économiques et à renforcer leur compétitivité sur le marché.
  • Entrepreneuriat féminin : Cette composante promeut l’égalité des genres dans le domaine des affaires en créant un environnement favorable à l’émergence et à la croissance des entreprises dirigées par des femmes, grâce à des ressources spécifiques et des formations adaptées.
  • Collaboration avec les grandes entreprises – Open Innovation : Cette initiative encourage la collaboration entre les petites structures entrepreneuriales et les grandes entreprises, favorisant ainsi l’innovation ouverte. Cela permet aux startups et aux TPE de bénéficier de l’expertise, des ressources et des réseaux des grandes entreprises pour accélérer leur croissance.

Arfaoui a partagé des conseils précieux pour les entreprises qui souhaitent s’internationaliser, soulignant l’importance de réaliser une évaluation préliminaire des besoins, d’adopter des projets dynamiques et adaptables en fonction des marchés cibles et de ne pas négliger le réseautage et nouer des partenariats stratégiques. Il a également souligné l’importance cruciale pour les startups, TPE et PME d’être accompagnées dans leur expansion vers les marchés internationaux. Il a insisté sur la nécessité d’assurer des formations continues aux entrepreneurs, leur permettant d’acquérir les compétences nécessaires pour naviguer avec succès dans un environnement commercial de plus en plus globalisé.

Recommandations clés pour l’internationalisation des entreprises africaines 

Plusieurs recommandations ont été identifié lors de ce panel. Tout d’abord, il est essentiel de mener une préparation rigoureuse et d’adopter une approche globale. Cela inclut la réalisation d’études de marché approfondies et l’élaboration de stratégies d’internationalisation complètes adaptées aux réalités économiques et culturelles de chaque pays ciblé. Il est également recommandé d’établir des partenariats solides avec des acteurs locaux pour faciliter l’accès au marché et naviguer dans les environnements commerciaux diversifiés de l’Afrique.

Ensuite, la persévérance et la recherche d’informations jouent un rôle crucial. Les entreprises doivent faire preuve d’un engagement constant pour surmonter les obstacles et s’adapter aux défis liés à l’internationalisation. Il est conseillé de solliciter activement le soutien de structures d’accompagnement spécialisées et d’experts pour bénéficier de conseils pertinents et fiables.

Un autre axe important réside dans le renforcement des partenariats publics-privés pour soutenir l’internationalisation des entreprises tunisiennes au sein du continent africain. Il est crucial de tirer parti de ces collaborations pour mobiliser des ressources financières, partager des connaissances spécialisées et mettre en place les infrastructures nécessaires. Ces partenariats jouent un rôle essentiel en créant un environnement favorable où les entreprises tunisiennes peuvent accéder à des marchés africains stratégiques, développer des stratégies adaptées à ces environnements locaux et renforcer leur compétitivité régionale.

Un autre aspect crucial consiste à renforcer la visibilité des structures d’accompagnement, permettant ainsi aux entreprises de tirer pleinement parti de leurs services.

Enfin, il est crucial que l’État tunisien consolide sa stratégie pour promouvoir une diplomatie économique proactive. Cela nécessite notamment l’organisation de missions commerciales et de visites officielles afin de renforcer les opportunités d’affaires et la coopération internationale.

 

Publié le 19 Juin 2024, par Aya Ouertani

 

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